jeudi 6 septembre 2012

Chapitre 18 : Se quitter

(Bannière en attente)

POV Bella :

Sa voix… J'avais l'impression que cela faisait des semaines que je ne l'avais plus entendue. Je pouvais sentir sa paume chaude au creux de la mienne. J'essayais de lutter pour ouvrir les yeux mais n'y parvenait pas. Puis j'entendis un peu de bruit et je sentis mes paupières s'ouvrir. Une lumière aveuglante irrita mes pupilles quelques secondes avant que mes yeux ne se referment. La suite fut pour moi un flot d'images floues. Je sentis que je bougeais. Je parvenais à ouvrir mes yeux de manière très irrégulière. J'avais pleinement conscience de me trouver dans un hôpital mais j'avais beau fouillé mon subconscient, je n'arrivais pas à me rappeler ce qui m'était arrivée. Au fil des examens que l'on me faisait subir, je retombais dans l'inconscience, bien trop fatiguée pour rester éveillée et demander des explications.

Quelques heures plus tard, je me réveillai de nouveau. Cette fois je n'eus presqu'aucun mal à ouvrir mes yeux. Je me laissai quelques instants pour m'habituer à la luminosité de la pièce. Après plusieurs secondes, je remarquai la présence d'un homme en blouse blanche au pied de mon lit qui discutait avec mes parents. Je voulus bouger pour leur faire savoir que j'étais réveillée mais une douleur aigue au niveau de mes côtes me fit haleter et criai de stupeur. Alerté par mon cri, mes parents se précipitèrent à mon chevet. Le médecin les rejoignit près de moi en un instant.

- Il ne faut pas bouger Mademoiselle. Vous avez été gravement blessée.
- Bella, oh ma Bella chérie, Dieu merci tu es réveillée.

Ma mère sanglotait en caressant mes cheveux. Mon père avait les yeux rougis et cernés. Gravement blessée ? Il fallait vraiment que j'essaie de recoller les morceaux de ma mémoire défaillante pour me souvenir de ce qui avait bien pu m'arriver.

- Qu'est ce… que… ?

Je ne parvins pas à finir ma phrase. Ma bouche était pâteuse et ma voix rauque. Ma mère le remarqua et me servit un verre d'eau. Elle m'aida à boire quelques gorgées qui apaisèrent tout de suite ma gorge en feu.

- Vous devez avoir la trachée irritée suite à l'intubation que nous avons dû vous faire pour vous aider à respirer.
- Que m'est-il arrivé ?

Ma voix n'était qu'un murmure, si bien que je me demandais s'ils m'avaient entendue.

- Tu ne te souviens vraiment de rien ?

Je regardai mon père et essayai tant bien que mal de fouiller dans ma tête à la recherche d'indices qui pourraient m'aider à retrouver la mémoire, mais seul un flot d'images floues traversait mon esprit.

- Vous avez été renversée Isabella, vous vous en souvenez ?

Je fermai les yeux et là, le puzzle commença à se mettre en place dans ma mémoire. Je me rappelais ma nuit avec Edward. Je me souvenais aussi être partie chercher un petit déjeuner pour nous deux et avoir croisé Jacob au pied de l'immeuble en rentrant. Après tout se succéda très vite dans ma tête, Edward… Jacob… La bagarre… Le bitume… Et la voiture, cette voiture fonçant droit sur moi… Et le trou noir…

- Vous vous souvenez Isabella ?

Je hochai la tête et soudain je sentis les larmes couler le long de mes joues et s'échouer sur les draps. Les souvenirs envahissaient ma tête. Je posai alors mes deux mains sur mon ventre. Des sanglots s'échappèrent de ma gorge sans que je ne puisse les empêcher. Ce ventre qui était redevenu aussi plat qu'il l'était avant ma grossesse. La bosse qui avait commencé à se former quelques semaines auparavant avait totalement disparue.

- Mon… mon… bébé…

Je regardai tour à tour mes parents, puis le médecin dans l'espoir que l'un d'eux m'annonce une bonne nouvelle. Renée et Charlie échangèrent un regard triste et ma mère serra ma main dans l'étau de la sienne. Je posai alors mes yeux sur le médecin qui souffla avant de prendre la parole.

- Je suis vraiment désolé, mademoiselle Swan. Le fœtus n'a pas survécu au choc de l'accident.
Il jeta ensuite un coup d'œil à mon père et celui-ci hocha la tête à l'attention du médecin.

- Je dois également vous dire que lorsque vous avez été amenée ici, vous aviez perdue beaucoup de sang. Votre utérus a également été gravement touché lors de la collision.

Il fit une pause dans son discours, comme pour se donner du courage pour la suite, et se rapprocha de moi.

- Nous avons dû vous retirer la totalité de votre utérus, Isabella

Mon utérus, ils m'avaient enlevé mon utérus. Tout ça était très clair dans ma tête. Je sentis mes yeux se remplir de larmes.

- Est-ce que ça signifie que… que je ne pourrais jamais…

J'éclatai en sanglots sans pouvoir finir ma question. Cette dernière était implicite. Même si je savais ce que cela signifiait, je ne voulais pas admettre que jamais plus je ne pourrais tomber enceinte. Le docteur baissa la tête et la secoua négativement. Sa réponse silencieuse me fit l'effet d'un poignard enfoncé en plein cœur. Non seulement je venais d'apprendre que j'avais perdu mon bébé… Le bébé d'Edward… Mais qu'en plus de tout ça, je ne pourrais plus jamais avoir d'enfants. La Terre aurait pu s'écrouler autour de moi que je ne pourrais pas me sentir plus mal. Ma mère me serra dans ses bras pendant que mon père embrassait mon crâne en me murmurant que tout irait bien, et qu'il serait toujours là pour moi. Je serrai les draps dans mes poings presque aussi fort que mon cœur se comprimait de douleur. Les larmes continuèrent de rouler sur mes joues. Ma mère me garda dans ses bras de longues minutes en me berçant comme un bébé. Apaisée par sa chaleur maternelle, je fermai les yeux et basculai de nouveau dans l'inconscience.

Lorsque je me réveillai un peu plus tard, je constatai que j'étais seule. Je tendis ma main vers la petite tablette qui se trouvait à côté de mon lit et me saisis du verre d'eau qui y était posé. Je bus ce dernier d'une traite. Je regardai autour de moi et pris seulement conscience de la gravité de mon état lorsque je vis toutes les machines qui entouraient mon lit. Je baissai les yeux et constatai que j'étais reliée à celles-ci par le biais de perfusions ou d'électrodes. Le seul son qui venait perturber la quiétude de la pièce était le bruit régulier de la machine contrôlant ma fréquence cardiaque. Ma gorge me faisait terriblement mal, ma tête me tournait, mes yeux me brûlaient, tout mon corps était endolori et pourtant ma plus grande douleur ne venait pas de là. J'avais l'impression qu'on m'avait déchiqueté le cœur en mille et un morceaux tellement la douleur était insupportable. Je ne parvenais pas à reprendre pied dans la réalité. Les seules choses qui résonnaient dans ma tête étaient les paroles du médecin que j'avais vu quelques heures auparavant. Je me mis à fixer les murs blancs en pensant à ce qu'aurait été ma vie si ce petit être perdu ne m'avait pas été arraché aussi prématurément.

Je repris conscience de l'environnement où je me trouvais lorsque la porte de ma chambre s'ouvrit. Je vis la tête de mon père passer par l'entrebâillement et lorsqu'il vit que j'étais réveillée, il entra complètement. Il tenait dans ses mains une grosse boîte de brownies chocolat, caramel noisette – « mes préférés » - pensais-je. En voyant mon regard se poser sur l'objet qu'il tenait, il me fit un pauvre sourire.

- Je ne suis même pas sûr que tu puisses en manger tout de suite mais je sais à quel point ça te réconforte lorsque ça ne va pas. 
- Oh papa…

En deux enjambées, mon père me rejoignit au bord de mon lit et me serra de toutes ses forces dans ses bras. Je fondis en larmes. Le torrent de souffrance que je retenais depuis des heures ravagea tout sur son passage.

- Je suis là ma chérie, je serais toujours là…

J'éclatai de plus belle en sanglots.

- Je me sens si mal papa… Si vide…
- Ça va aller ma chérie, je serais près de toi. Je ne t'abandonnerai pas, tu resteras toujours ma petite fille chérie… J'ai eu si peur de te perdre… Je t'aime.
- Je t'aime aussi papa.

Je serrai la chemise de mon père aussi fort que je le pouvais, reniflant disgracieusement dans le tissu. J'avais besoin de son odeur, besoin qu'il me rassure, juste besoin qu'il soit près de moi dans cette épreuve. A cet instant, j'aurais tout donné pour redevenir une petite fille sans soucis, sans chagrin, sans tristesse. Notre étreinte dura encore de longues minutes. Nous étions silencieux. Charlie et moi n'avions jamais eu besoin de beaucoup de mots pour nous comprendre. Il caressa mes cheveux dans un geste d'apaisement et je ne me rendis pas compte que je sombrais peu à peu dans un sommeil sans rêve.

POV Edward :

J'allais devenir complètement fou à tourner en rond dans cette foutue salle d'attente. Je m'étais levé de mon siège au moins une bonne soixantaine de fois et rassis à peu près le même nombre de fois. Je ne cessais de taper nerveusement du pied par terre, si bien qu'Emmett était obligé de poser sa main sur ma jambe pour me calmer. Mes cheveux n'étaient plus qu'un foutu désordre à force d'y passer et d'y repasser mes mains dedans.

- Hey calme-toi frérot.
- Mais ça fait au moins une heure que son père est là-dedans
- Peut-être mais tourner comme un lion en cage ne changera rien.

A ce moment-là, la porte de la chambre de Bella s'ouvrit sur son père. Il semblait avoir les yeux rougis. Je paniquai encore plus en observant cela. Je me levai de nouveau et allai à sa rencontre. Je fus rejoint par Rose et Emmett. Nous quémandions tous de nos yeux des nouvelles.

- Elle s'est rendormie…
- Comment va-t-elle ?

Le père de Bella planta son regard dans celui de Rosalie. Etait-ce parce que c'était elle qui avait posé la question ou alors pour éviter mon regard, je l'ignorai totalement.

- Elle est encore très fatiguée, je ne pense pas qu'elle puisse recevoir d'autres visites aujourd'hui.

Il avait appuyé ces dernières paroles en dardant son regard au mien. Il me fallut quelques secondes pour accuser le coup. Je voulais tellement la voir, c'était quelque chose de viscérale. Etre loin une nuit de plus s'apparentait à une torture. La voix de Rosalie me tira de mes pensées.

- Renée est partie lui chercher des affaires à l'appartement avec Alice. Je pense qu'elles ne devraient plus tarder.
- Merci Rose, je vais les attendre. Rentrez-vous reposer.

Le chef Swan déposa un baiser sur la tempe de Rosalie et alla s'asseoir sur un siège. Il prit sa tête dans ses mains et ferma les yeux quelques secondes. Tout à coup, j'essayai d'imaginer ce qu'il pouvait ressentir en tant que père. Voir sa fille dans cet état, être conscient de son chagrin et ne rien pouvoir faire. Je sentis la grosse main de mon frère se poser sur mon épaule. Je sortis alors de mes pensées afin de croiser son regard.

- Je raccompagne Rosalie, tu veux que je te ramène ?
- Non… Je crois que je préfère… Je vais marcher…
- Ok comme tu veux. On se retrouve à l'appart'.
- Ouais d'accord… A plus tard.

Quelques secondes plus tard, je me retrouvai seul à seul avec Charlie. Ce dernier leva la tête vers moi quand il s'aperçut de ma présence.

- Rentre chez toi Edward.
- Je veux la voir.
- Elle n'est pas prête à affronter tout ça. Elle est sortie du coma il y a seulement quelques heures… Laisse-lui le temps de digérer le choc que la nouvelle lui a procuré.
- Dîtes-moi qu'elle va bien, c'est tout ce que je désire.
- Je mentirais si je disais ça…

Il secoua la tête de dépit et me regarda avec un air triste.

- Rentre chez toi, tu as besoin de repos. Demain elle y verra plus clair dans ses émotions.

Le Chef Swan ne semblait pas en colère. Il était juste attristé pour sa fille… et pour moi semble-t-il. Résigné, je baissai la tête et tournai les talons en direction de l'ascenseur. J'attendis ce dernier, fixant le vide avant que les portes ne s'ouvrent. Une fois à l'intérieur, j'appuyai sur le bouton du rez-de-chaussée et plaquai mon corps contre la paroi froide de l'appareil. Je basculai ma tête en arrière et laissai échapper quelques larmes. Lorsque le « bip » retentit et que les portes s'ouvrirent, je marchai tel un pantin tiré par des ficelles jusqu'à la sortie.

Lifehouse – You and Me

L'air frais me fit du bien au visage. Je me mis alors à marcher à travers la ville, sans but précis. Je ne voulais pas rentrer tout de suite. J'errai dans les rues, passant devant les vitrines des magasins qui commençaient à s'illuminer alors que la nuit tombait. Soudain, mes yeux s'arrêtèrent devant un petit magasin de puériculture. Je m'approchai de la vitrine et observai les doudous ainsi que les petits vêtements qui s'y trouvaient. Mon cœur se serra de douleur.

Quelques secondes plus tard, un couple sortit du magasin main dans la main. La jeune femme semblait être dans un état avancé de sa grossesse et tout à coup, je me rendis compte que je ne pourrais jamais faire ça avec Bella. Toucher son ventre rond, sentir les petits mouvements de notre bébé à travers la paroi de son abdomen. On nous avait volé ce bonheur auquel nous n'avions pas eu le temps de goûter. Et tout cela me faisait incroyablement mal. Soudain, comme un électrochoc, je me mis à imaginer la douleur que pouvais ressentir Bella à cet instant. Elle avait été seule à l'annonce de la nouvelle de la perte de notre bébé. Elle avait dû encaisser, seule, le choc d'apprendre qu'elle ne pourrait jamais plus en porter. Plus que tout, à cet instant, j'avais besoin de la voir, de la réconforter, lui dire que je serais toujours là pour elle, que quoi qu'il arrive, je l'aimerais toujours, jusqu'à mon dernier souffle.

Je fis alors demi-tour, marchant plus rapidement qu'à l'aller. La nuit était tombée depuis un petit moment déjà et j'imaginais sans peine qu'il était tard et que l'heure des visites devait être passée depuis longtemps. Je passai les portes battantes de l'hôpital et m'engouffrai dans l'ascenseur. J'appuyai sur le bouton du troisième étage et regardai défiler les chiffres sur l'écran digital de l'appareil. Lorsque les portes s'ouvrirent, je passai doucement ma tête pour vérifier qu'aucune infirmière ne trainait dans le coin. Je sortis rapidement et pris le chemin qui menait à la chambre de ma belle. Heureusement pour moi, les couloirs étaient vides et silencieux à tel point que je pouvais entendre chaque battement de mon cœur. Lorsque j'arrivai devant la porte, je regardai à droite et à gauche une dernière fois avant d'abaisser la poignée. Je pénétrai dans la pièce aseptisée du bout des pieds. Seul le bruit de la machine contrôlant le rythme cardiaque de Bella venait troubler la quiétude de la chambre. Mes yeux se posèrent immédiatement sur mon ange, allongé, le teint plus blafard que jamais. Je m'approchai doucement de son lit et observai son visage seulement éclairé par les lumières de la ville qui filtraient par la fenêtre. Sans toucher son visage, je dessinai le contour des cernes qu'elle avait sous les yeux. Malgré tout, plus je la regardais et plus je me disais que c'était la plus belle femme qu'il m'ait été donné de voir. En faisant attention à ses perfusions, je posais délicatement ma main sur la sienne, caressant sa peau du bout des doigts. Elle était toujours aussi douce que dans mon souvenir. Je la sentis frissonner sous ma caresse et j'eus soudain peur d'avoir troublé son sommeil. Je ne voulais pas la réveiller, je voulais seulement être près d'elle. Pourtant, elle bougea un peu la tête et ses yeux s'ouvrirent doucement.

- Hey ! Bonjour…
- 'Jour

Elle cligna des paupières et essaya de se relever doucement. Machinalement, je l'aidai et passai ma main autour de ses épaules mais elle eut un mouvement de recul. Elle baissa les yeux en direction de nos doigts liés et dégagea sa main pour remettre son drap en place sur son corps. J'avais l'impression que cela était une manœuvre détournée pour rompre le contact de nos mains entrelacées.

- Quelle heure est-il ?
- Je ne sais pas. Je crois qu'il est tard…

Un silence pesant s'installa entre nous. Je cherchai ses yeux alors que Bella s'appliquait à éviter mon regard.

- Bella, qu'est ce qui se passe ? Regarde-moi…

Pour la première fois depuis des semaines, elle plongea ses grands yeux chocolat dans les miens et toute la peine et la souffrance que je pus lire dans son regard me fit reculer d'un pas.

- Je suis désolé Bella, tellement désolé si tu sav…

Je m'approchai pour la prendre dans mes bras, la serrer contre moi, la réconforter mais elle mit ses deux mains en défense devant elle.

- Non Edward, pas ça… S'il te plaît
- Pourquoi tu me rejettes ?
- Parce que je ne peux pas, je ne peux plus… Je regrette que tout ait été si compliqué entre toi et moi… depuis le début mais cette fois je crois que le destin a choisi pour nous…
- Non…Non, c'est à nous seuls de choisir notre avenir, à nous seuls de construire notre futur.
- Quel futur ? Il n'y a pas de futur possible entre nous Edward. C'est vrai…enfin, je veux dire regarde nous… Cette histoire était vouée à l'échec depuis le début.
- Tu penses vraiment ce que tu dis ?
- Oui.

Le choc me cloua sur place. Comment cela est-il possible ? Pourquoi tout dérape si vite ? Ça n'aurait pas dû se passer comme ça. On aurait dû être heureux ensemble. Avoir notre bébé, fonder notre famille et juste… juste être heureux.

- Tu es bouleversée Bella… Tu...
- Oui je le suis, je suis anéantie d'avoir perdu mon bébé et de savoir que je ne pourrais jamais plus en avoir…
- Moi aussi j'ai perdu mon bébé Bella.
- Je sais mais tu ne peux pas imaginer ce que ça fait de perdre la seule chose qui fait de toi une femme…
- Tu n'as pas changé Bella. Je t'aimerai toujours, que tu puisses avoir des enfants ou non. On pourra…
- Adopter ?
- Oui… Je t'en prie ne me rejette pas, laisse-moi continuer de t'aimer…
- J'ai besoin de temps Edward… J'ai besoin de me retrouver, seule…

Mon cœur était en train de se comprimer comme dans un étau. Je n'arrivais pas à croire que Bella et moi avions cette conversation.

- J'imagine que je me dois de respecter ton choix…
- Je te le demande, oui.
- Est-ce que tu vas retourner chez Alice et Rosalie ?
- Non je repars chez moi, chez mon père. J'ai besoin de retrouver mes racines.
- As-tu réellement besoin de mettre des milliers de kilomètres entre nous ?

Ma question resta sans réponse. Elle baissa les yeux en direction de ses mains qui trituraient son drap. Je ne pouvais pas croire que nous en étions arrivés à ce point-là. Je cherchais désespérément dans ma tête, les arguments qui la feraient changer d'avis ou au moins réviser son jugement mais rien. Tout ce que je voyais était le malheur et le trouble que j'avais causés depuis que j'étais entré dans sa vie, depuis que je l'avais rejointe sur cette plage. C'est moi qui avais essayé de la retenir le jour de son mariage. J'aurais dû renoncer au moment même où elle avait dit « Oui ». Même si mon cœur me disait le contraire, j'aurais dû abandonner. Tous les mots que je pourrais lui dire pour la retenir étaient en train de foutre le camp de ma tête. Même si je devais en crever, il fallait que je la laisse partir. Il était temps de la laisser vivre sa vie, même si celle-ci devait être sans moi.

- Je crois que je ferais mieux de m'en aller.

Les mots étaient sortis de ma bouche sans que je ne les contrôle. Je crus même que je les avais rêvés. Elle hocha la tête doucement. Je ne pus m'empêcher de m'approcher d'elle. Elle leva les yeux vers moi et nous échangeâmes un long regard silencieux.

Comment pourrais-je vivre sans ses yeux chocolat ? Comment pourrais-je vivre sans son odeur, sans ses caresses et sans ses baisers ? Comment vivre sans son amour ? Comment avancer dans l'avenir sans l'avoir à mes côtés ? Nous nous étions fait tellement de promesses avant tout ça. Nous avions tellement de rêves et de projets ensemble. Comment renoncer à tout si brusquement?

Je posais alors mes lèvres sur son front, appuyant le baiser plus longtemps que nécessaire. J'avais besoin de ce dernier contact, de sentir sa peau sous mes lèvres une toute dernière fois. Au bout de quelques secondes, je me reculai et tournai les talons en direction de la porte de la chambre. Je ne la regardais pas pour ne pas flancher mais m'arrêtai à hauteur de la porte.

- Je t'aime Bella… Je t'aimerai toujours…

Je repris ensuite la direction de la sortie et dévalai les escaliers afin de me vider l'esprit. Je m'échappai le plus vite possible de cet hôpital qui me paraissait soudainement si étouffant. Je rentrais chez moi et fus soulagé de ne croiser personne. Je m'enfermai dans ma chambre et m'allongeai sur mon lit tout habillé. Les images de ma conversation avec Bella tournaient en boucle dans mon esprit. Lorsque je fermais les yeux, c'était son visage qui apparaissait dans ma tête. Son sourire, sa voix, ses caresses, comment puis-je m'en passer ? Je me tournais et me retournais sans arriver à trouver le sommeil. Je me levai et décidai d'aller au salon pour jouer quelques notes. Mon piano était la seule chose qui arriverait sûrement à me vider l'esprit. Les pièces étant insonorisées, je ne risquais pas de réveiller qui que ce soit. De toute façon je ne voulais voir personne. Je m'installai et passai mes doigts sur l'ivoire des touches. Je jouai quelques notes mais m'arrêtai tellement l'étau dans ma poitrine se resserrait violemment au son de la musique.

Impossible ! 

La musique avait toujours eu un effet apaisant pour moi.

Pourquoi celle-ci me laisse-t-elle tomber aujourd'hui ? Au moment où j'en ai le plus besoin. 

Je tentai de reprendre le cours de la mélodie mais à peine avais-je joué trois notes que je m'effondrai sur mon piano. Je tentai et retentai l'expérience mais rien n'y faisait. Mes doigts tremblaient et tout mon corps se tendait.

Si la musique me quitte elle aussi, que me reste-t-il ? Rien, je n'ai plus rien, j'ai tout perdu.
Je me redressai et fis le tour de la pièce. Je me laissai tomber sur le canapé et mis mes mains sur mon visage. Je ne pouvais pas croire que j'avais tout perdu en une seule soirée. Je devais trouver un moyen d'oublier tout ça même si ce n'était que pour quelques heures. Je relevai alors la tête et la tournai à droite et à gauche dans l'espoir de trouver de façon miraculeuse un moyen pour apaiser mon esprit. Mes yeux accrochèrent alors la bouteille de whisky, à demi pleine, qui se trouvait sur le bar. Je me levai tel un automate et me saisis de l'objet de mon désir. Je dévissai le bouchon et portai la bouteille à mes lèvres. Je pris une première gorgée, laissant le liquide ambré, enflammer ma gorge. Je voulais oublier. Oublier que je ne verrais jamais mon bébé. Oublier Bella. Oublier qu'elle m'avait quitté. Oublier tout simplement.

POV Bella : 

Birdy – Skinny Love

Lorsqu'Edward fut sorti de ma chambre, j'éclatai en sanglots. Je ne pensais pas capable de lui dire ces mots en face. Je me sentais incapable de le quitter et pourtant ma raison m'avait dicté de le faire. Mon cœur, lui, était meurtri à l'idée de ne plus pouvoir voir son visage, ne plus toucher sa peau, ne plus sentir son souffle contre moi. Je me devais pourtant de le faire. Notre histoire était vouée à l'échec, et ce depuis le début. Et pourtant j'avais voulu me laisser convaincre quand il m'avait demandé de le laisser continuer à m'aimer. J'avais eu envie de le prendre dans mes bras quand il m'avait demandé de ne pas le rejeter. Et surtout, j'avais eu tellement envie de l'agripper par le cou pour l'embrasser lorsqu'il s'était penché pour embrasser mon front. Sentir sa fragrance et avoir la sensation de ses douces lèvres sur ma peau m'avaient donné des frissons dans tout le corps. J'avais serré mon drap tellement fort que je pensais même que mes ongles avaient déchiré le tissu. J'avais combattu tant que j'avais pu l'envie de le prendre dans mes bras. J'avais fini par me persuader que cet homme méritait une femme digne de lui. Quelqu'un avec qui il pourrait fonder une famille sans problème. Je repliai mon bras contre ma poitrine comme pour empêcher mon cœur douloureux de s'en échapper. Je savais que j'allais vivre avec cette souffrance pour longtemps, je devais juste m'en accommoder. Je pleurai silencieusement pendant de longues heures. Je ne savais même pas comment je pouvais avoir autant d'eau dans le corps pour verser toutes ces larmes. Quelques heures plus tard et à bout de forces, mes paupières se fermèrent et le sommeil m'emporta.

Le lendemain matin, je fus réveillée par l'infirmière de garde qui vint prendre mes constantes. Mes yeux devaient être rougis par les larmes et mon visage bouffi. Encore comateuse, et ayant peu dormi, je sombrai de nouveau dans le sommeil. Un peu plus tard, je fus de nouveau réveillée, mais cette fois par le médecin que j'avais vu la veille.

- Bonjour Isabella, comment allez-vous ce matin ?
- Bien.

Mon ton était monocorde et ma voix était rauque. Qu'est-ce que je peux bien dire ? Que j'ai mal au cœur à en crever, que j'ai abandonné la seule personne qui compte à mes yeux…

- Aujourd'hui, nous allons vous faire quelques examens neurologiques pour voir si votre cerveau n'a gardé aucune séquelle de l'accident.
- Quand pourrais-je rentrer chez moi ?
- Et bien… Vous avez des côtes cassées et vous avez subi un grave traumatisme. Lorsqu'on vous a transporté ici, vous avez fait un arrêt cardiaque. Le plus inquiétant reste cette longue phase de coma par laquelle vous êtes passée. Disons que si les examens neurologiques sont satisfaisants aujourd'hui et que votre état évolue dans le bon sens, nous pourrons envisager une sortie d'ici quelques semaines.

Quelques semaines ! J'allais devoir rester dans cet endroit encore un bout de temps. Cette pensée me donna la nausée. Je voulais partir d'ici, partir de cette ville. Plus vite je pourrais mettre des milliers de kilomètres entre Edward et moi, mieux ce serait pour nous deux.

- Isabella, j'aimerais aussi que vous voyiez un psychologue pendant votre séjour ici.
- Je ne suis pas folle.
- Non bien sûr, personne ne pense ça, n'ayez crainte. La perte de votre bébé est un lourd fardeau pour une personne aussi jeune que vous. Je pense qu'il serait bon pour vous d'en discuter avec quelqu'un d'extérieur à votre famille… Est-ce que le père du bébé a été prévenu?

Je relevai vivement la tête. Lorsque j'avais vu Edward hier, je n'avais pensé qu'à ma douleur. Je n'avais pas imaginé ce qu'il pouvait ressentir. Je ne savais même pas comment il l'avait appris. Confuse, je hochai la tête.

- Bien. En tout cas réfléchissez-y. Un interne passera vous chercher d'ici une demi-heure et vous conduira au scanner. Quant à moi, je reviendrai vous voir en début de soirée.
- Merci docteur

Lorsqu'il sortit, je me pliai en boule dans mon lit et fermai les yeux. Quelques heures plus tard, après une attente interminable au scanner, on me ramena enfin dans ma chambre. Lorsque je vis mes parents m'y attendre, je ne pus m'empêcher d'éclater en larmes. Ma mère me serra aussi fort qu'elle le pouvait dans ses bras. Quand mes larmes se tarirent et que je fus plus calme, elle s'autorisa à descendre à la cafétéria afin de prendre un café. Elle demanda à mon père s'il voulait quelque chose mais celui-ci répondit négativement d'un geste de la tête. Je constatai que depuis leur arrivée, il n'avait prononcé aucune parole. Je me rappelai alors de notre brève discussion de la veille. Il avait appris beaucoup de choses me concernant en l'espace de quelques jours. Lorsque ma mère sortit de la pièce, il se retourna vers moi mais ne dit rien. Il semblait perdu et tentait probablement de mettre de l'ordre dans ses pensées. Au bout de quelques minutes, il s'approcha de mon lit et prit place sur le siège qui était à côté. Il me regardait tristement et mon cœur se brisa lorsque j'aperçus une larme s'échapper de son œil. Il passa une main sur son visage pour chasser la traîtresse et prit ma main dans l'étau de ses doigts. Je lui coupai l'herbe sous le pied et pris la parole.

- Je suis tellement désolée papa.

Ma voix était rauque et je retins avec peine les sanglots qui menaçaient de s'échapper de ma gorge. J'avais beau avoir pleuré des litres et des litres d'eau depuis mon réveil, mon canal lacrymal semblait être toujours à son niveau maximum.

- Ne le soit pas Bella.
- Si. Je t'ai tellement déçu ces derniers mois.

Il darda son regard dans le mien.

- Ecoute-moi bien ma petite fille, tu ne m'as jamais déçu et jamais tu ne me décevras. Je regrette seulement de n'avoir pas été un père plus attentif.
- Rien n'est de ta faute, tu n'as rien à te reprocher.
- Peut-être que si j'avais su regarder plus loin que ce que je voyais, j'aurais compris ce qui se passait.

Je baissai la tête, honteuse d'avoir fait souffrir mon père encore une fois.

- Tu sais j'ai parlé avec Edward…

A l'entente de son prénom, ma tête se releva et mon cœur se serra.

- Je voulais un coupable, j'en avais un tout trouvé. Et puis… enfin j'ai vu comment il te regardait… Tout cet amour dans ses yeux, j'ai eu l'impression de me revoir à son âge…
- Maman…

Charlie hocha la tête. Il ne s'était jamais vraiment remis de sa séparation avec Renée. Lorsqu'elle avait refait sa vie en épousant Phil, mon père avait été détruit. Inconsciemment, il nourrissait le secret espoir qu'un jour elle reviendrait vers lui.

- Enfin bref… J'ai vu comment il était malade d'inquiétude pour toi et aujourd'hui je n'ai aucun doute sur lui.

Les larmes roulèrent sur mes joues sans que je ne m'en rende compte. J'avais l'impression d'étouffer en repensant à cette nuit. Inquiet par mon silence et mes larmes, mon père s'approcha de moi et vint s'asseoir sur le rebord de mon lit. J'appuyai ma tête contre son épaule et il m'entoura de son bras.

- Est-ce que j'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?

Je n'arrivais pas à prononcer un mot tellement j'avais mal. Mon père se tut et caressa mes cheveux en signe d'apaisement. Lorsque je fus calmée, je relevai la tête vers lui et il comprit. Je n'avais pas besoin de lui expliquer. Ce regard il le reconnut, pour l'avoir vu dans les yeux de ma mère quinze ans auparavant. Il ne parla pas et se contenta de me serrer dans ses bras. Il déposait quelque fois, des baisers sur le sommet de ma tête et je lui étais reconnaissante pour son silence. Je ne pouvais plus entendre parler d'Edward Cullen.
Lorsque ma mère était remontée de la cafétéria et nous avait trouvé entrelacés avec mon père, elle n'avait rien dit. Je savais que les questions devaient lui brûler les lèvres mais je crois qu'elle comprit que Charlie et moi avions besoin de ces instants. Plus tard, lorsque je fus totalement calmée et apaisée, mon père se détacha de moi et retourna s'asseoir sur son siège. Toute cette histoire nous avait permis de créer un lien indélébile entre nous. Je savais qu'à l'avenir, je pourrais tout lui confier, qu'il m'aimerait quel que soient mes choix. Ma mère s'installa ensuite près de moi et nous parlâmes de choses et d'autres. Je savais à travers son regard que je l'avais beaucoup inquiétée et je savais aussi qu'à un moment donné, il faudrait que nous ayons une discussion elle et moi mais j'étais heureuse de ne pas devoir le faire tout de suite. Elle me parla de ses voyages avec Phil et je surpris plus d'une fois mon père la regarder tendrement pendant son récit. Est-ce que l'on peutt se remettre un jour de la perte de son grand amour? Rattrapée par mon manque de sommeil et détendue par le babillage de ma mère, je m'endormis sans même m'en rendre compte.

Je me réveillai en sursaut, quelques heures plus tard. Je tournai la tête pour voir mes parents mais m'aperçus rapidement que ma chambre était vide. J'ignorais combien de temps j'avais dormi et l'heure qu'il pouvait bien être. Ma gorge était sèche. Je tendis le bras vers mon chevet pour attraper un verre d'eau et ce fut à ce moment-là que j'aperçus une petite feuille. Je m'en saisis et lus la petite note manuscrite que m'avait laissée mon père.

Tu t'es endormie au bavardage de ta mère.
Nous reviendrons demain.
Repose-toi
Je t'aime
Papa

Je souris à cette note et reposai la feuille sur mon chevet. Je tournai la tête et remarquai un plateau repas sur la tablette. Je soulevai la cloche et fut dégoutée par l'odeur qui s'en échappa. De toute façon, je n'avais pas faim, je voulais juste me blottir dans mon lit en attendant que les jours passent pour pouvoir enfin sortir de cet hôpital.

- Isabella Marie Swan, je doute que tu reprennes des forces si tu ne manges pas !

Je tournai la tête vers la porte et reconnus sans mal la propriétaire de cette voix autoritaire. Un pâle sourire s'étira sur mon visage quand je vis apparaître mes deux meilleures amies au coin de la pièce. Elles s'approchèrent de mon lit et me prirent avec délicatesse dans leur bras. Je sentis leurs larmes dans mon cou et il ne m'en fallut pas plus pour que les miennes viennent brouiller ma vue. Nous restâmes ainsi de longues minutes. Notre silence n'était pas pesant, mais au contraire confortable et apaisant. Lorsque nous nous séparâmes, nous éclatâmes de rire. Il était si facile de passer des larmes aux rires avec elles.

- Je vais avoir les yeux tout bouffis.
- Tu n'auras qu'à te tartiner le visage avec toutes les crèmes que tu m'appliques sans arrêt en jouant à Barbie Bella !

Alice posa un doigt accusateur sur ma poitrine.

- Oui et je refuse de perdre mon meilleur cobaye, tu m'entends Isabella Swan. Alors je t'interdis de me flanquer de nouveau une trouille pareille.

Je lui souris, heureuse de voir que rien n'avait changé.

- Nous sommes ici pour te sauver.

Je tournai la tête vers Rosalie en fronçant les sourcils.

- Est-ce que vous avez l'intention de me faire évader de cet hôpital aussi ?
- Je t'aime de tout mon cœur Bella, mais je ne tiens pas à devoir faire face à un Charlie en colère une seconde fois.

Je grimaçai en me rappelant ce souvenir. A l'époque, j'étais persuadée que tout cela était une bonne idée. Je pensais que le destin serait enfin de notre côté et que l'on pourrait vivre notre histoire au grand jour. Mais je n'avais pas prévu la suite des évènements. Je ne me doutais pas que ma relation avec Edward s'achèverait aussi prématurément. Rosalie me sortit de mes pensées en brandissant un énorme sac en papier. Voyant mon incompréhension elle roula des yeux.

- Cupcakes ma chérie !

Depuis que nous étions adolescentes, les orgies de cupcakes étaient devenues notre remède contre la déprime. Je savais qu'elles savaient… J'étais soulagée de ne pas devoir leur raconter la fin de mon histoire avec Edward. Soulagée de ne pas devoir parler de la perte de mon bébé même si je savais qu'à un moment donné il faudrait que j'y fasse face. J'ignorais si je pouvais trouver les mots pour leur expliquer ce que je ressentais. Nous parlâmes de choses et d'autres durant le reste de l'après-midi, sans jamais évoquer « les » sujets douloureux. Lorsqu'elles quittèrent ma chambre, j'avais le cœur plus léger.

En début de soirée, le médecin que j'avais vu le matin repassa me voir pour me confirmer les bons résultats de mon scanner. Mon état était stable et il valida ma sortie pour dans quatre semaines si tout évoluait positivement.

Le lendemain matin, mon père vint accompagner d'un policier qu'il connaissait bien afin de prendre ma déposition concernant l'accident. Je n'avais que peu de souvenirs et mon père m'avait appris peu après mon réveil que c'était Tanya la responsable. La savoir en liberté me glaçait le sang. D'après ce que m'avait dit Edward par le passé, son père était un homme immensément riche. Nul doute qu'il ferait tout pour protéger sa progéniture. J'avais même tendance à penser qu'il l'avait sûrement envoyée à des milliers de kilomètres afin de la faire disparaitre. Le sergent Parker avait été honnête avec moi et il m'avait confié avoir parlé à Eléazar Denali. Ce dernier s'était apparemment montré très vague à toutes les questions qui lui avaient été posées. Après le départ du sergent, mon père m'avait avoué qu'il y aurait certainement peu de chances de la retrouver mais que de son côté, il n'abandonnerait pas.

Je lui avais aussi demandé ce qu'il adviendrait de Jacob. Charlie m'avait laissé entendre qu'il serait jugé pour coups et blessures mais qu'il s'en sortirait probablement avec de la prison avec sursis et aurait certainement des dommages et intérêts à verser à Edward. Mon père était particulièrement virulent en parlant de lui. Rose m'avait expliqué la veille que Jacob avait avoué à Charlie notre nuit de noces désastreuse. Alice avait ajouté que mon père s'était battu avec Jacob suite à cet aveu. Il ne m'avait posé encore aucune question sur cette histoire mais je savais que je ne m'en sortirais pas aussi facilement. Je décidai donc de crever l'abcès immédiatement.

- Papa ?

Il releva la tête et planta ses yeux dans les miens.

- Je suis désolée de ne pas t'avoir parlé du comportement de Jake avant.

Il soupira et prit ma main dans l'étau des siennes.

- Je ne voulais pas aborder ce sujet maintenant avec toi Bella mais enfin qu'est-ce qu'il t'a pris de ne pas être venue me voir après ce qu'il t'a fait subir ?
- Je ne sais pas… Je me sentais coupable en quelque sorte de l'avoir trompé avec Edward. J'ai voulu fermer les yeux et croire qu'il redeviendrait le gentil garçon que j'ai connu.
- J'ai toujours considéré Jake comme mon fils mais après ce qu'il t'a fait, je ne suis pas sûr de pouvoir lui pardonner un jour. Son amour pour toi l'a rendu fou et l'alcool n'a pas aidé à calmer sa folie. J'ai parlé avec Billy et il a été choqué d'apprendre ce que son fils a fait. Je t'avoue que je ne sais même pas s'il lui accordera son pardon un jour.

Je baissai la tête honteuse. Je me sentais tellement responsable de voir le gâchis que toute cette histoire avait provoqué. Tant de vies brisées par ta faute Bella ! Mon père dut remarquer mon trouble. Il s'approcha et s'assit à mes côtés. Il mit sa main sous mon menton et releva mon visage. Il caressa ma joue et mit une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

- Bella, je sais ce que tu penses et tu ne dois pas te sentir responsable. Même si tu as fait des erreurs, tu n'es en rien coupable du comportement de Jacob à ton égard. Ce sera à lui de faire face à ses actes lorsqu'il sera traduit en justice. Il doit payer pour le mal qu'il t'a fait ma chérie.

Il m'embrassa le front et me serra dans ses bras.

- Je jure que je ne laisserai jamais plus personne te blesser ma petite fille. Je t'aime tellement depuis toujours et à jamais.
- Moi aussi je t'aime papa.

Notre étreinte dura de longues minutes. Mon père faisait des cercles apaisants dans mon dos tandis que je me laissais cajoler comme une enfant.

Les jours suivants se ressemblèrent. Je fus à la fois soulagée et triste qu'Edward n'ait pas essayé de venir me revoir. Soulagée car je savais que s'il revenait, les barrières que j'avais érigées s'effondreraient à le seconde où ses émeraudes se poseraient sur moi et triste car malgré tout j'aurais donné n'importe quoi pour revoir son visage, toucher sa peau, sentir le goût de ses lèvres sur les miennes. Mais il fallait que je tienne bon. Tout irait mieux lorsque je serais rentrée chez moi… Enfin on peut toujours espérer…

Je finirais par oublier Edward Cullen…

Les semaines passaient lentement. Mes journées étaient rythmées par les visites de mes parents et de mes amis. Jasper et Emmett étaient venus à plusieurs reprises avec Rose et Alice. J'étais soulagée qu'aucun d'eux n'essaient de me dissuader de partir ou ne me force la main pour parler de Lui. J'avais cependant remarqué les regards inquiets d'Emmett à mon égard. Je ne le connaissais que depuis peu mais j'avais découvert son grand cœur. Voir les gens heureux autour de lui était ce qui comptait le plus dans sa vie. Rosalie était sensiblement pareille. J'étais persuadée qu'une belle et grande histoire d'amour les attendait tous deux. Quant à Alice et Jasper, ils me faisaient beaucoup sourire. Ils étaient tellement différents mais à la fois tellement complémentaires. Jasper était le calme personnifié tandis qu'Alice… Et bien c'était Alice ! Un petit lutin avec un caractère bien trempé branché la plupart du temps sur dix mille volts. La seule chose qui était identique était leurs yeux remplis d'amour lorsqu'ils se regardaient l'un, l'autre. J'étais heureuse de voir mes deux meilleures amies nager dans le bonheur. Cela m'aidait à panser les plaies de mon cœur meurtri.
Un après-midi, alors que j'étais seule et plongée dans la lecture de mon roman favori « Les hauts de Hurlevent », j'entendis trois petits coups à la porte. Je posai mon livre et autorisai la personne à entrer. Ma surprise dut se lire sur mon visage lorsque je vis la mère d'Edward pénétrer dans ma chambre.

- Bonjour ma chérie.
- Madame Cullen… Bonjour… Heu, je veux dire Esmée.
- Je me suis dit que ceci apporterait un peu de gaieté. Je sais comme les chambres d'hôpital peuvent être dépourvues de décoration et à quel point cela peut donner le cafard.

Elle tenait dans ses mains un énorme bouquet de lys.

- Ta maman m'a dit que tu adorais les lys.
- Renée ?

Comment Esmée Cullen connaissait-elle Renée Dwyer? Que s'étaient-elles racontées ? Comment s'étaient-elles rencontrées ? Les questions défilaient dans ma tête comme une série de flashs. Mon incompréhension devait se lire sur mon visage car Esmée me souriait.

- Je vais tout t'expliquer Bella. Laisse-moi juste mettre ce bouquet dans un vase.

Elle farfouilla dans un petit placard au bas de mon chevet et en sortit un vase. Elle passa par la salle de bain afin de le remplir d'eau et revint poser le tout sur mon chevet. Elle déposa les fleurs dans l'eau et prit place dans le fauteuil qui se trouvait à côté de mon lit.

- Voilà, j'ai rencontré ta maman à la cafétéria de l'hôpital. J'étais allée prendre un café avec Emmett et Renée l'a reconnu puisqu'elle l'avait souvent aperçu avec Rosalie devant ta chambre. Elle nous a proposé de s'asseoir avec elle et de fil en aiguille, nous avons fait connaissance.

Cela ne m'étonnait guère de ma mère. C'était tout à fait son genre de se lier d'amitié avec des inconnus. Renée s'était toujours sentie à l'aise avec des gens qu'elle ne connaissait pas, capacité dont j'étais loin d'avoir héritée et qui m'aurait servie dans cette situation. Heureusement pour moi, Esmée Cullen semblait prête à faire la conversation pour deux.

- Je suis ravie de voir que tu vas mieux et que tu as repris des couleurs.
- Merci.
- Je…

Elle baissa la tête quelques secondes et se reprit

- Je suis également navrée pour…
- Oh…

La situation semblait surréaliste. La mère de mon amant venait me réconforter de la perte du bébé que j'avais eu avec son fils alors que j'étais mariée à un autre homme. Ça ne pouvait pas être plus bizarre que ça l'était déjà.

- Ecoute Bella, je sais à quel point tout cela peut être étrange et que tu ne dois pas bien voir ce que je fais ici mais je voulais que tu saches à quel point Carlisle et moi sommes peinés de toute cette histoire. Edward et toi ne vous êtes pas rencontrés au bon moment et il est toujours triste de voir un véritable amour gâché.

Entendre son prénom fut un véritable crève-cœur. Cela faisait maintenant trois semaines que j'avais mis un terme à notre histoire mais à chaque fois que je pensais à lui la douleur se ravivait, un peu comme si on avait percé un trou béant dans ma poitrine.

- Tu sais Bella, malgré les épreuves que vous avez traversées et malgré la complexité de la situation, je suis sûre de ne jamais avoir vu mon fils aussi heureux et amoureux que depuis qu'il t'a rencontrée.

J'osai enfin relever la tête vers elle. Elle me sourit et se leva.

- Je ne vais pas t'importuner davantage. Repose-toi.

Elle hésita quelques secondes mais s'approcha et me prit dans ses bras. J'étais décontenancée mais me laissai aller face à cette tendresse maternelle. Avant de partir, elle se retourna vers moi.

- Sache que tu seras toujours la bienvenue chez nous Bella

Elle me fit un dernier sourire et quitta la chambre avant même que je n'ai répondu. Je passai le reste de mon après-midi à réfléchir. Les paroles d'Esmée se répercutaient comme un écho en moi. « Je suis sûre de ne jamais avoir vu mon fils aussi heureux et amoureux que depuis qu'il t'a rencontrée »… « Il est toujours triste de voir un véritable amour gâché »… 

Pourrions-nous un jour réparer ce qui a été brisé? Ou alors, est-ce que j'aurais un jour l'impression qu'il n'a jamais existé ? Après tout, ne dit-on pas qu'il faut laisser du temps au temps…

POV Edward :

Lifehouse - Broken

Déni

Lorsque Bella avait mis un terme à notre relation, j'avais d'abord refusé d'y croire. La première nuit j'avais bu pour essayer d'oublier toute ma tristesse. C'était Emmett qui m'avait trouvé ivre mort sur le canapé du salon au petit matin. Il avait été d'une grande aide pour moi depuis tout ça. Il était redevenu mon grand frère, celui qui veillait sur moi et qui acceptait de me prendre dans son lit lorsqu'enfant, je faisais des cauchemars. Je ne m'étais pas vraiment aperçu que nous nous étions autant éloignés au fil des années. Il m'avait empêché d'aller voir Bella les premiers jours. Il m'avait dit de lui laisser le temps de se remettre de toute cette histoire. Il m'avait convaincu que c'était la meilleure des choses à faire. Mes parents s'inquiétaient beaucoup pour moi et malgré le fait que mon père doive rentrer pour son travail, ma mère avait décidé de prolonger son séjour dans la Grosse Pomme. Pour moi, elle voulait juste m'éviter de sombrer définitivement. Elle prenait soin de moi exactement comme lorsque j'étais malade étant enfant. J'avais de la chance de l'avoir. Grâce à sa présence et à sa chaleur maternelle, je ne perdis pas totalement espoir. De mon côté, j'étais persuadé que tout ceci n'était qu'une phase, que Bella finirait par constater que je lui manquais. J'étais certain qu'elle verrait qu'on ne pouvait pas rester loin l'un de l'autre très longtemps. J'obtenais des nouvelles par le biais d'Emmett et je savais qu'elle resterait quelques semaines à l'hôpital. Pas que cela me réjouissait qu'elle soit là-bas mais mon cœur était plus léger de la savoir à quelques kilomètres seulement.

« Je repars chez moi, chez mon père. J'ai besoin de retrouver mes racines. »

Je ne voulais même pas imaginer qu'elle reparte à San Francisco. Je savais que je ne supporterais pas les quatre mille kilomètres qui nous sépareraient. J'étais même prêt à arrêter Julliard pour retourner vivre dans ma ville natale si cela signifiait ne pas être éloigné d'elle. De toute manière, sans Bella dans ma vie, la musique n'avait plus de sens. J'avais été incapable de jouer une seule mélodie depuis notre rupture. A chaque fois que je m'asseyais sur le banc et que j'ouvrais le capot pour effleurer les touches, mes yeux se fermaient d'instinct et je la revoyais au petit matin, dans une de mes chemises, parsemant mon cou de petits baisers. Je pouvais presque sentir ses longues boucles chatouiller mon torse, la douceur de sa peau, le velouté de sa voix…

Colère

Au bout d'une semaine, la colère avait envahi chaque pore de ma peau. J'avais refusé de voir qui que ce soit. J'avais un trop plein d'énergie et je l'évacuais de la meilleure des façons que je connaissais : le sport. J'allais au club sportif que Jasper et moi fréquentions, depuis que nous avions emménagé à New York et réquisitionnais le sac de frappe. Je pouvais cogner dessus pendant des heures entières sans m'arrêter. Je ne me stoppais que lorsque mes poings devenaient douloureux. Je finissais ensuite mes soirées au bar qui se trouvait à côté de la salle de sport. Je tentais de noyer mon chagrin dans l'alcool. Au bout d'une dizaine de shots de tequila, je pouvais dire que j'y parvenais.

Un soir, une grande blonde aguicheuse était venue m'aborder. Je n'avais pas pu m'empêcher de faire l'amalgame avec Tanya. J'avais essayé de lui faire comprendre que je n'étais pas intéressé avec le plus de tact possible mais mon taux d'alcoolémie n'aidant pas, je n'étais pas certain d'avoir été le gentleman qu'Esmée s'était fait un devoir d'élever. Et lorsqu'elle avait passé un de ses ongles manucurés sur mon torse, mon sang n'avait fait qu'un tour. Je m'étais levé d'un bond, renversant mon verre au passage et l'avait plaquée contre le bar. Mes yeux n'étaient alors qu'un océan d'amertume et de rage. J'avais croisé son regard craintif et ce fut le signe déclencheur qu'il fallait que j'arrête de m'autodétruire de cette façon. Ça ne La ramènerait pas vers moi…

Dépression

Après l'épisode du bar, j'avais cessé de me rendre au club et je passais toutes mes journées dans ma chambre. Celle-ci était devenue un véritable capharnaüm. J'avais arrêté de me raser depuis quelques jours et mes cheveux n'étaient plus qu'un foutu bordel chaotique. Mes écouteurs sur les oreilles et mon IPod en marche, je me coupais totalement du monde extérieur. A quoi bon si Elle n'était pas dans mon monde... Jasper, Emmett et même ma mère se relayaient pour tenter d'éclater la bulle protectrice que je m'étais construite mais j'étais indifférent à tout ce qu'ils disaient, à tel point que je ne les entendais même plus me parler. Mon esprit s'était complètement fermé et mes journées ne se rythmaient qu'aux rêves éveillés que je faisais.

Je ressassais chaque moment passé avec Elle. Je gravais au fer rouge la sensation de sa peau contre la mienne lors de nos ébats. Le plus récurent étant celui de sa nuit de noce. Tout n'avait été que douceur et volupté. Je me rappelais chaque caresse, chaque baiser, chaque gémissement. Nos moments sur la plage occupaient eux aussi, la majeure partie de mon cerveau. Tout ne tournait qu'autour d'Elle. Est-ce que ma vie allait pouvoir reprendre un cours normal un jour ? J'en doutais. J'avais trouvé en cette femme, mon amante, ma meilleure amie et surtout mon âme sœur. Je serrai plus vivement la chemise que je tenais, la dernière qu'elle avait portée contre mon cœur comme pour apaiser cette douleur constante. Je fermai les yeux et m'endormis en rêvant de Son visage.

Un bruit assourdissant me sortit du songe magnifique dans lequel je me trouvais. Je me retournai pour voir d'où le bruit provenait et ne fus pas surpris de trouver Emmett debout contre le chambranle de la porte.

- On ne t'a jamais appris à frapper !

Je grognai de frustration et mis un oreiller sur ma tête pour lui faire comprendre que je ne voulais pas de visite.

- Pouah Edward ! Ta chambre sent encore plus mauvais que les vestiaires des Yankees après un match.

J'ôtai l'oreiller de ma tête et mis une main sur mes yeux au moment où Emmett tirait les rideaux et ouvrait grand la fenêtre.

- Putain mais qu'est-ce que tu me veux à la fin ?
- Te sortir de ta tanière Eddy.
- Cesse de m'appeler Eddy.

Il prit alors son air sérieux et je sus dès cet instant que cette fois-ci, je n'y échapperais pas. Il s'assit alors au bord de mon lit et me regarda droit dans les yeux.

- Ecoute Edward, je t'ai laissé du temps en pensant que ça finirait par aller mieux mais tu n'es plus que l'ombre de toi-même et j'ai l'impression que chaque jour est pire. Je peux imaginer ce que tu ressens parce que même si je connais Rosalie depuis aussi longtemps que tu connais Bella, je ne pourrais pas envisager une seule seconde de la perdre mais il faut que tu te bouges, que tu avances dans ta vie. Tu ne peux pas t'arrêter de vivre.
- Et je ne peux pas vivre sans elle.
- Soit ! Alors va la voir et lui parler.
- Tu rigoles j'espère ? Y'a un mois tu me disais de lui laisser le temps de se remettre et maintenant tu me dis d'aller la voir.
- Oui c'est ce que je dis.
- Et pourquoi ce revirement ?
- Je te l'ai dit, tu erres comme une âme en peine depuis des semaines en te demandant si elle reviendra et je pense qu'il est grand temps que tu le saches.
- Que je sache quoi ?
- Si elle reviendra ou si c'est définitivement fini.
- Je te suis pas là.
- Rose me mettrait probablement en pièces si elle savait que je fais ça mais bon…

Je ne comprenais pas où il voulait en venir lorsque je le vis sortir un bout de papier de la poche arrière de son jean. Il me le tendit.

- Qu'est-ce que c'est ?
- Bella part aujourd'hui. Elle rentre à San Francisco.

Le choc de la nouvelle me cloua sur place. Ainsi elle allait réellement partir loin de moi. Mon cœur loupa un battement à cette information. Je m'assis sur mon lit et pris le papier qu'Emmett me tendait.

- C'est le numéro de son vol et l'heure de son départ.

Il planta ses yeux dans les miens.

- Je te conseille vivement de t'en servir. Pour ton bien.

Une soudaine vague de colère me submergea. Elle allait partir comme ça, sans chercher à me revoir, sans chercher à nous donner une nouvelle chance. Je chiffonnai dédaigneusement le papier et le jetai dans la corbeille à papier.

- Mais qu'est ce qui te prend ? 
- La dernière fois que j'ai essayé de la retenir, elle s'est mariée avec un autre. Si elle s'en va, c'est que son choix est fait. Je ne peux rien y faire.
- Peut-être bien mais c'est la seule façon pour toi de tourner la page et de faire le deuil de votre relation.

Il soupira, se leva pour partir et marqua un arrêt près de la porte.

- Tu le regretteras si tu n'y vas pas. Penses-y.

Acceptation

Mon frère quitta ensuite la pièce en me laissant seul avec mes interrogations. Que dois-je faire ? Ma tête me dit d'être raisonnable et de la laisser partir. Après tout c'était elle qui m'avait rejeté. Pourquoi faudrait-il que je lui coure après et que je me jette à ses pieds ? Mon cœur avait lui, un tout autre raisonnement. Se pourrait-il qu'Emmett ait raison et que je finisse par regretter de ne pas avoir essayé une dernière fois ? Se peut-il que je puisse faire flancher les murs de béton qu'elle semble avoir érigé autour d'elle ? Je regardai la corbeille et ma décision fut prise en moins de trois secondes. Je sautai de mon lit et allai récupérer le morceau de papier que mon frère m'avait donné quelques minutes auparavant.

Vol 412 à destination de San Francisco
Départ 15h16
Aéroport JFK

Je jetai un œil à ma montre et vis qu'il était près de treize heures. Cela me laissait peu de temps pour me rendre jusqu'à l'aéroport. Je fonçai dans la salle de bain et croisai mon reflet dans le miroir. J'avais une mine épouvantable et le teint blafard. Je ne m'attardai pas davantage sur cette image déplaisante et me glissai immédiatement sous la douche. L'eau chaude m'aida à me détendre. Je me lavai rapidement et me séchai tout aussi vite. Je filai ensuite dans ma chambre et ouvris mon armoire. Je ne m'attardai pas sur mon choix vestimentaire et me saisis d'un jean et d'un T-shirt blanc. Je retournai à la salle de bain pour ma raser et tenter de dompter ma tignasse folle, ce qui était définitivement une mission impossible. Lorsque je retournai dans ma chambre pour prendre ma veste en jean, je vis qu'il était pratiquement quatorze heures. J'attrapai mes clefs de voiture, mon portefeuille. J'hésitai à prendre mon passeport et m'en saisis avant de le fourrer dans la poche intérieure de ma veste. Je savais que si je n'arrivais pas avant qu'elle passe la sécurité je ne pourrais jamais la voir sans prendre un billet.

Trading Yesterday - Shattered

Je fus anxieux durant tout le trajet. Je ne cessais de regarder les minutes défiler à ma montre. Pour mon plus grand malheur, c'était l'heure de pointe et il y avait une circulation monstrueuse en plus de tous les feux qui devenaient instantanément rouges lorsque c'était à moi de passer. Je serrai le volant tellement fort que mes jointures devenaient blanches. Je tentai de respecter au mieux les limitations de vitesse mais un tic-tac incessant résonnait dans mon crâne.

Au bout de trois quart d'heure, j'arrivai enfin à destination. Je me garai sur la première place que je trouvai et m'engouffrai par les portes battantes de l'aéroport. Je consultai rapidement le tableau d'affichage et trouvai presque aussitôt le vol que je cherchais.

Je me rendis au terminal correspondant et la cherchai des yeux. Lorsque je la vis, mon cœur rata un battement. Elle était toujours aussi belle. Elle était accompagnée de son père et entourée d'Alice et Rosalie. J'allai la rejoindre quand je me rendis compte que son vol était appelé pour l'embarquement.

Merde…Merde…Merde

Elle avait déjà passé la sécurité et je n'avais pas de billet et encore moins le temps d'en prendre un. Mon cœur s'affola quand je la vis s'approcher de l'hôtesse avec son billet. Je fis alors la seule chose qui me passa par la tête et criai son prénom.

Lorsqu'elle se retourna vers moi, le temps sembla se figer. Je ne voyais plus les gens autour de moi. Je n'écoutais plus le brouhaha des conversations ni même les appels d'embarquement au micro. Je voulus faire un pas vers elle mais un gorille en costume plaqua sa main sur mon torse et m'empêcha d'avancer plus loin. Je la vis glisser quelques mots à l'oreille de son père puis faire quelques pas dans ma direction. Quand elle arriva à ma hauteur, l'envie de la toucher était tellement irrépressible, que mécaniquement, je posai ma main sur sa joue. Mon index caressait doucement le satin de sa peau. Elle ferma les yeux à mon contact semblant apprécier le geste. Un raclement de gorge de la part de l'agent de sécurité fit éclater notre bulle. J'ôtai ma main de sa joue et la descendis dans le creux de ses reins pour l'emmener un peu plus loin, à l'abri du regard des curieux.

- Bella, ne pars pas.
- Edward… Je ne peux pas rester après tout ce qui s'est passé.

Mon cœur se serra de douleur lorsque je vis ses yeux remplis de larmes. Je pris son visage en coupe et essuyai celles qui coulaient le long de ses joues.

- Chhhhhhuuuuuuttttt, ne pleure pas ma Bella.

Je la pris dans mes bras et la serrai aussi fort que je le pouvais. J'avais tellement peur qu'elle me rejette mais c'était incontrôlable, j'avais besoin de son odeur, son souffle dans mon cou. A ma grande surprise, elle se blottit contre moi. Je pouvais entendre ses sanglots étouffés par mon T-shirt. Rend-elle les armes ? Est-elle prête à rester avec moi pour essayer de reconstruire le champ de ruines qu'est devenue notre histoire ? La question me brûlant les lèvres, je me reculai afin de voir son visage. Je remis une mèche de ses cheveux derrière son oreille et ancrai mon regard au sien.

- Bella, reste… Je veux repartir de zéro avec toi, laisse-nous une seconde chance je t'en prie…
- Je voudrais tellement que tout soit si facile. J'aimerais tout oublier et tout reprendre depuis le début mais je ne peux pas... J'ai besoin de temps… Même si les blessures externes sont presque guéries, celles de l'intérieur sont trop profondes. Ne m'en veux pas je t'en prie. Je voudrais juste du temps.

Mon cœur saignait d'entendre ses paroles. J'acquiesçai même si les larmes me brûlaient les yeux. Je l'avais perdue et je le savais. Ma main caressa tendrement sa joue. Je ne me lassais pas de sentir le velouté de sa peau sous mes doigts. Je m'approchai de son oreille et lui murmurai quelques mots. Les derniers, très certainement.

- Tu seras à jamais ma Bella

Je déposai un dernier baiser sur sa tempe, m'attardant plus que nécessaire. Puis, comme si tout signait la fin de notre relation, elle se détacha de moi. Je frissonnai à ce geste, j'avais soudain très froid sans la chaleur de son corps contre le mien. Nous nous regardâmes mal à l'aise. Elle était à quelques centimètres de moi et pourtant c'est déjà comme si des milliers de kilomètres nous séparaient. Un ultime appel pour son vol brisa le silence.

- Je…

Elle fit un geste de la main signifiant qu'elle devait retourner auprès de son père pour prendre son avion. Je résistai à l'envie de hurler et de frapper tout ce qui me tomberait sous la main. Je pris une profonde inspiration et hochai la tête.

- Oui. Ne rate pas ton vol.

C'était stupide mais ce furent les seuls mots qui voulurent bien sortir de ma bouche. J'aurais voulu lui crier de ne pas m'abandonner, que notre séparation ruinerait toute ma vie mais au plus profond de moi, je ne voulais pas lui rendre les choses plus difficiles qu'elles ne l'étaient déjà. Je ne voulais plus la blesser. Je l'aimais, oui, mais plus que tout je voulais qu'elle soit heureuse et si ne pas faire partie de sa vie était le prix à payer pour son bonheur alors je l'accepterais.

Je la regardais s'éloigner vers la porte d'embarquement. Intérieurement, je priai pour qu'elle se retourne afin de voir son visage une dernière fois mais elle n'en fit rien. Je regardai chacun de ses gestes lorsqu'elle tendit son billet à l'hôtesse. Si elle se retournait rien qu'une fois, peut-être alors que tout espoir ne serait pas perdu. Mais elle n'en fit rien. Je suivis son petit corps des yeux jusqu'à qu'elle disparaisse totalement.

Cette fois, tout était fini.



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